Témoignages croisés : Mary, confinée sur la côte et Juliette, une adolescente
Mary, “La crainte, la peur m’ont quittée, j’étais dans la confiance. »
« Ce confinement est une nouvelle expérience. Jamais nous n’avons bénéficié d’autant de temps : plus d’obligations, plus de rencontres. Enfin libres…
Sur le plan matériel, peu de changement. Les magasins sont approvisionnés en produits de base. Le boulanger fait le pain et ouvre tous les deux jours, les pharmacies sont ouvertes, beaucoup de docteurs assurent leurs consultations. Et le téléphone compense et assure les nouvelles des uns et des autres….
Ce qui m’a le plus bouleversée, c’est l’absence de culte : plus de messes dominicales, pas de cérémonies pour la semaine Sainte, pas de veillée Pascale ! Ainsi, j’ai pris conscience de leur importance et j’ai compris combien ces cérémonies ponctuent ma vie de foi.
La télévision nous a proposé des « compensations » qui ont été pour moi très enrichissantes et m’ont permis de me relier au plus profond de moi-même. La célébration des Rameaux, du jeudi Saint et du vendredi Saint me sont apparues dépouillées, mais cela m’a permis de me sentir plus concentrée sur l’essentiel : » La passion du Christ » ce moment si douloureux où le Christ en tant qu’homme a souffert dans son corps et aussi dans son âme ! Jusqu’à demander à Dieu son père de lui épargner cette ultime épreuve ! Je me suis sentie concernée par les choix que j’ai faits à certaines périodes de ma vie…
La veillée Pascale était très sobre et un peu triste. Je n’ai pas senti la joie du Ressuscité et là la communauté paroissiale m’a beaucoup manquée. Je me suis sentie orpheline. J’ai pensé alors à la grande détresse des immigrés !
Sur France 2, il y a chaque dimanche une messe, mais une messe sans fidèles ! Et pourtant ce qui m’a réconfortée. J’avais l’impression que le Christ était là et qu’il venait chez moi me parler en particulier. J’étais seule devant une messe dépourvue de fidèles ! Les prêtres officiants étaient très priants, porteurs d’une grande foi pour tous les absents. Je me trouvais dans un autre monde… l’antichambre du paradis ? Les chants y sont de grande qualité et les prédications adaptées au réel de notre vie. Avant de se séparer, le prêtre propose de retenir un mot et de le faire nôtre tout au long de la semaine : « patience », « écoute », » prendre soin », « attention », le dernier étant « converser ».
En résumé,
j’ai découvert que le Christ, dans cette situation exceptionnelle, m’avait apprivoisée en quelque sorte.
La crainte, la peur m’ont quittée, j’étais dans la confiance. Je peux maintenant dire : « Jésus, je t’aime mon Dieu, je t’aime », les barrières sont tombées !
Au cours de la semaine Sainte, j’ai vécu une très belle méditation intitulée : « la Vénération de la Sainte Couronne d’épines du Christ » à Notre Dame, présidée par Mgr Aupetit et animée par Judith Chemla, Philippe Torreton qui a lu de très beaux textes de Paul Claudel (« La vierge à midi « ), de mère Teresa « J’ai soif de toi » (testament spirituel), de Marie Noël « Tout est achevé », « Le porche du mystère de la deuxième vertu » de Charles Péguy. Chaque texte était entrecoupé d’un morceau de violon joué par Renaud Capuçon. Tout cela se passait à la cathédrale de Paris où la couronne du Christ enfermée dans un coffre avait été sauvée du feu par les pompiers ! (Voir sur internet la totalité de cette cérémonie qui dure environ 30 minutes.) »
Mary
Juliette « J’ai aimé profiter des bons moments en famille »
Juliette, 17 ans, habite à Nantes depuis deux ans avec ses 3 frères et sa sœur. Elle est en Terminale S.
Comment as-tu vécu avec ta famille pendant le confinement ?
Ce n’était pas toujours évident, car je n’ai pas l’habitude de passer autant de temps avec ma famille, mais j’en ai profité pour faire différentes choses avec eux. Par exemple : du sport quotidien avec mon père, du yoga et de la cuisine avec ma sœur, marcher avec ma mère dans le quartier, aider mes frères et ma sœur plus jeunes pour leurs devoirs. Forcément, on se chamaille un peu surtout pendant les parties de « UNO » le soir !
Comment as-tu vécu ta foi pendant ce confinement ?
J’ai regardé plusieurs fois des messes à la TV mais le ressenti n’est pas le même. Je vis surtout ma foi de manière concrète à travers le mouvement Scouts : après 5 années en tant que Guide, je suis depuis septembre Cheftaine Louveteaux. Avec les autres cheftaines nous avons donc essayé de maintenir un lien avec nos louveteaux même en confinement en leur proposant des activités (jeux, défis, cuisine, bricolage) et des temps de prière.
Que retires-tu de positif du confinement ?
Pas grand-chose (rires !) … Plus sérieusement, les bons moments en famille dont il faut profiter, la solidarité entre voisins (aide pour les courses et les petits travaux), et la créativité de beaucoup de chrétiens pour s’adapter à la situation. Et j’ai progressé en anglais en regardant trop Netflix en VO !
Qu’est ce qui t’a manqué le plus ?
Sans hésitation, mes amies, même si on se parle régulièrement au téléphone. Ensuite le lycée : l’ambiance, aller en cours normalement (difficile de se motiver pour travailler seule). Le changement d’environnement : ma vie nantaise, prendre le bus, voir la cathédrale, marcher dans la ville. Puis les louveteaux : allumer un feu, chanter sous la pluie, crier sur Basile pour qu’il se taise, rappeler à Clément de mettre son béret, me déguiser. Et enfin, tout ce qui a été annulé pour l’instant à cause du COVID : le bac, les journées nationales Scouts, un voyage famille en Terre Sainte.
Qu’as-tu fait lundi 11 mai ? et comment vis tu le déconfinement ?
Un aller-retour à Savenay (moins de 100kms !) pour rattraper mes kilomètres de retard de Conduite Accompagnée et retrouver une amie ! Honnêtement, il n’y a pas grand-chose qui change puisque le lycée n’a pas rouvert. Je passe encore beaucoup de temps à la maison, mais j’ai pu revoir plusieurs amies et préparer en face à face (et pas en Zoom !) le retour éventuel des louveteaux. On croise les doigts pour le camp d’été !
Recueilli par Nicolas Prefol