Dominique Lemoine à la Cimade
« J’ai voyagé dans beaucoup de pays dans le monde et dans l’ensemble j’ai toujours été bien accueilli. C’est une des raisons pour lesquelles je m’intéresse depuis longtemps à l’accueil des migrants chez nous. J’ai attendu la retraite pour m’engager à la Cimade que je connaissais depuis longtemps, puis les circonstances m’ont conduit à travailler plus particulièrement avec les mineurs, mais pas uniquement. »
Laissons-nous interpeller par Dominique…
LES JEUNES ISOLÉS ÉTRANGERS À NANTES
Vous avez peut-être lu les différents articles parus récemment dans les journaux locaux à leur sujet, vous les avez croisés en centre-ville, vous les avez rencontrés dans vos associations… Le nombre des jeunes étrangers isolés a très fortement augmenté ces dernières années. Sur Nantes c’est environ 1000 jeunes qui sont arrivés en 2017, et l’année n’est pas terminée.
S’ils sont reconnus comme mineurs par l’association Benoît Labre qui a délégation pour les évaluer, ils seront pris en charge par le département. C’est le cas pour environ les deux tiers d’entre eux. Les autres, qui n’ont pu prouver leur minorité, sont pris en charge par différentes associations, collectifs et simples citoyens. A titre personnel je les rencontre comme bénévole à la Cimade. Je parle de jeunes, parce que de fait, ils ne sont pas tous mineurs et seront tous majeurs un jour. Le jour de leur majorité la prise en charge du département cesse, et nous les retrouvons pour les aider à régulariser leur situation. Les mineurs, évalués majeurs, qui font un recours contre cette décision, sont pour la plupart effectivement déclarés mineurs par le juge pour enfants.
Une chose reste certaine : ils ne repartiront pas dans leur pays d’origine. La plupart sont venus d’Afrique noire mais certains du Bangladesh, d’Afghanistan… A quelques très rares exceptions près ils ne sont pas venus en avion. Ils arrivent chez nous après un périple de plusieurs années, comprenant la traversée de la Méditerranée dans les conditions que vous connaissez. Le voyage retour est pour eux totalement inenvisageable.
Leurs besoins sont de différents types : juridique, hébergement, nourriture et scolarisation. Nous traitons des aspects juridiques, c’est-à-dire régularisation de leur situation avec des avocats. Nous les aidons à faire venir des papiers de leur pays d’origine. Pour beaucoup c’est très difficile : ils ont perdu tout lien avec leur famille.
D’autres associations les prennent plus spécifiquement en charge pour ce qui concerne le logement, la nourriture, l’habillement, la santé et l’éducation. En pratique , on ne peut pas séparer ces approches. Ils viennent nous voir pour prendre des nouvelles de leur recours, souvent toutes les semaines et on essaie de leur expliquer qu’ils devront patienter, de 6 mois à un an, avant de passer en audience devant le juge. En même temps ceux qui sont à la rue nous demandent un hébergement et ceux qui ne sont pas scolarisés nous rappellent leur souhait d’aller à l’école.
L’hiver approchant j’insiste plus particulièrement sur le problème du logement. Sur l’ensemble des jeunes que nous suivons, aujourd’hui, environ un quart se maintient dans des hôtels, un quart est dans des squats, un quart est hébergé chez des particuliers (environ 60 pris en charge par un collectif d’hébergeurs solidaires qui regroupe 180 familles aujourd’hui). Le quart restant est à la rue. Le 115 les prend quelquefois pour une nuit ou deux. Certains passent la nuit aux urgences de l’hôpital, assis… Je pense plus particulièrement à ces jeunes, 54 samedi, à ma connaissance, sans doute davantage aujourd’hui, qui sont à la rue.
Si vous avez des vêtements chauds et des vieux téléphones portables encore utilisables, nous sommes preneurs (nous avons beaucoup de mal à suivre un jeune à la rue sans téléphone) même si la plupart en ont récupéré auprès de diverses associations au cours de leur périple.
Dominique Lemoine, bénévole à la Cimade