Choisis la vie (Dt 30, 19)
Un de mes amis, prêtre, ne cesse de répéter cette phrase : « J’ai choisi d’être heureux ! ». C’est une phrase qu’il ne prononce pas à la légère, car il en a connu des épreuves, notamment de grosses épreuves de santé. Quand je l’ai retrouvé, il y a plus de quinze ans, il se battait déjà contre une forme de cancer qu’on ne savait pas encore très bien soigner …
Il a choisi d’être heureux « contre vents et marées » ! Pas seulement parce qu’il est doté d’un tempérament plus optimiste que la moyenne. Non ! C’est l’expression d’une foi profonde et d’un fort attachement au Christ. En l’écoutant, je crois entendre parler Saint Paul : « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? J’en ai la certitude : ni la mort, ni la vie … rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur. » (Ro 8, 35-37).
Le témoignage de mon ami m’a souvent aidé à traverser mes propres épreuves. Aujourd’hui encore, il m’apporte une force et une lumière que j’apprécie. J’y pense au cœur des grandes turbulences que connaît notre pays, alors que sont remises en débat les questions de la fin de vie. Questions souvent abordées sous l’angle de l’aide active à mourir. On prononce les mots d’euthanasie et de suicide assisté. La conviction de mon ami ne règle de façon magique les graves questions posées … mais elle m’aide à ne pas passer à côté.
Je suis amené ainsi à regarder – lorsqu’on réclame une aide active à bien mourir – comment dans notre pays sont assurés les soins palliatifs. Quel retard, malgré l’engagement législatif pris lors du précédent quinquennat!
Je me demande alors : qui m’aidera vraiment à « bien » mourir ? C’est-à-dire à mourir dignement ! C’est à dire à m’avancer vers la mort en acceptant sans doute de ne plus disposer de la pleine maîtrise de mon corps, ni de mon intelligence, ni de l’ensemble de mes capacités … mais de m’avancer quand même comme une personne vivante, quoique limitée, jusqu’au bout !
J’aimerais qu’à mes côtés, quelqu’un soit là pour me tenir la main et garder ouvertes les perspectives de ma foi et de mon espérance chrétiennes. Pour me rappeler que ce n’est pas moi le maître de tout, ni le maître de la vie et de la mort. Quelqu’un pour me rappeler que Dieu reste à mes côtés jusqu’au bout. Quelqu’un pour me rappeler qu’il y a un avenir en Dieu grâce à Jésus, comme nous le rappellent si bien les fêtes de la Toussaint en ce début de novembre.
Je me sens alors plus motivé pour ce grand débat sur la fin de vie en France, même si je le trouve mal engagé, parce que trop polémique et pas dénué de calculs politiques. Je ne cherche pas d’abord l’affrontement d’un lobby religieux contre d’autres. Je n’ai pas envie de retrouver les outrances connues naguère sur d’autres sujets de société. Mais je pense que, avec mesure et conviction, on peut tenter de faire entendre que « mourir dans la dignité » peut se comprendre de plusieurs façons. Et que celle que propose la tradition chrétienne mérite bien d’être considérée.
Gilles Priou