« Le guide des égarés » – Jean d’Ormesson

La joie,

Le plaisir est une herbe folle qui pousse entre les pierres. Le bonheur est un lac très calme qui brille sous le soleil. La joie est une tempête qui tombe du ciel pour nous élever vers lui. Le plaisir est un instant qui passe : il nous excite. Le bonheur est un état qui s’efforce de durer : il nous apaise. La joie est une grâce venue d’ailleurs. Elle éclate. Elle nous transporte. Elle nous ravit au-dessus de nous-mêmes.
La joie est liée à la justice, à la beauté, à la vérité. Elle frappe à l’instant où il apprend que son innocence est enfin reconnue et le suspect accusé à tort d’un crime qu’il n’a jamais commis. Elle envahit Carpaccio en train d’acheter Le rêve de Sainte Ursule ou Piero della Francesca devant le Songe de Constantin. Elle est la récompense du savant qui découvre soudain la solution d’un problème qui a longtemps résisté aux efforts des générations successives. Elle tombe sur le musicologue, sur le mélomane, sur le premier venu qui écoute une cantate de Bach ou les noces de Figaro. Elle inonde les amants, les âmes pures, les simples d’esprit qui découvrent tout à coup qu’ils aiment et qu’ils admirent la beauté des êtres et du monde.
Giono nous a laissé de bons livres et deux titres inoubliables. L’un : Le chant du Monde. L’autre : Que ma joie demeure.
Dans ce monde enchanteur et si dur, ah que ma joie demeure !

Texte proposé par Gaëlle