Lorsque l’exercice de la médecine rime avec confiance et solidarités

ⓒBlandine Dahéron/ⓒDR- Aurélie

Témoignages de deux paroissiennes médecins
Aurélie exerce comme généraliste et Marie-Annick comme interne au CHU. Elles relisent leur vécu de soignantes pendant le confinement.

Aurélie, médecin généraliste dans Nantes

ⓒDR- Aurélie

« Je reste confiante »

Depuis le confinement, je n’ai pas vécu un changement brutal. J’ai poursuivi mon travail comme médecin généraliste au cabinet que je partage avec trois collègues. En revanche, sur le plan familial, il a fallu concilier le télétravail de mon mari et la garde de nos 2 enfants (4 et 1 an). Je travaille donc trois jours par semaine pour l’organisation familiale.

D’abord, face à notre méconnaissance médicale de ce nouveau virus, il a fallu s’informer au mieux, et s’adapter au jour le jour, pour répondre aux questions et prendre les patients en charge le mieux possible.

Je suis jeune et n’ai pas de problèmes de santé. Je n’étais donc pas inquiète pour moi, ni pour mes proches. Par ailleurs, nous avions anticipé et commandé des masques au cabinet, car une de mes collègues est enceinte. De plus, des patients nous ont apporté des masques et deux femmes ont même proposé de fabriquer des blouses.

« Nous avons ralenti et cela était bon »

Nantes n’a pas été trop touchée par le virus et j’ai croisé peu de personnes infectées au cabinet. Bien sûr, il m’a fallu beaucoup rassurer et informer les patients anxieux, qui ne vivent pas bien le confinement et sont stressés à l’idée d’attraper le virus. Je consulte beaucoup en téléconsultations, mais l’examen physique me manque ! Le contact avec le corps du patient est indispensable et cette façon de travailler est frustrante.

Finalement, au cabinet, la période a été plus calme. Nous avons ralenti et cela était bénéfique. J’ai tâché d’assurer un suivi rapproché, par téléphone auprès de certains patients, personnes âgées isolées ou malades, et ils ont été satisfaits je pense.

D’autre part, depuis quelques années je vis une découverte de la foi. Je me préparais à recevoir le sacrement de la confirmation sur la paroisse. C’est un peu compliqué pour moi d’accorder du temps à ce chemin en ce moment, car mon travail et notre vie de famille sont très prenants actuellement.

Je remercie Dieu pour notre famille et mon entourage qui est en bonne santé. Je Lui confie également mes amies enceintes.

Cette situation sanitaire n’a pas changé mes habitudes, même si la messe dans l’église avec la communauté chrétienne me manque. Certes, la date de la confirmation est reportée, mais ce report est bienvenu, car cela nous permettra de vivre d’autres rencontres de préparation.

« Nous recentrer sur l’essentiel et améliorer nos relations humaines »

En ce temps de confinement, j’ai pu passer plus de temps avec chaque patient et ce ralentissement m’a permis de donner plus de place à l’humain, ce qui est positif.

L’arrivée de ce virus peut nous permettre une réflexion positive sur les liens humains, pour nous recentrer sur l’essentiel et améliorer nos relations humaines. Nous n’avions pas anticipé cela et ce virus mal connu nous oblige à modifier notre façon de vivre et de travailler. C’est peut-être l’occasion de nous poser des bonnes questions.

Comme médecin généraliste, je suis privilégiée et j’ai la chance de pouvoir retirer du positif de cette crise. Je remercie Dieu chaque jour pour ma vie, en famille, en couple et au travail. Bien sûr, il reste beaucoup de questions et d’incertitudes sur la suite des événements. Mais au fond, je reste confiante. Est-ce grâce à la foi qui m’habite ?

Propos recueillis par Blandine Dahéron

Marie-Annick, interne de médecine au CHU


ⓒ Blandine Dahéron – Marie-Annick en quarantaine

« Il y a urgence à communiquer l’espérance chrétienne »

Paroissienne et interne de médecine aux urgences adultes du CHU de Nantes depuis le 3 novembre, Marie-Annick relit les dernières semaines.

Au début du confinement, les personnes suspectées d’avoir le Covid-19 étaient dirigées vers un circuit dédié et ne passaient pas par les urgences. Nous avons finalement reçu moins de monde en consultation. À partir de début avril, le CHU a décidé d’accueillir les patients suspects aux urgences, où nous avons donc créé des circuits Covid séparés des circuits propres. Médecins, personnel soignants et malades portaient des masques chirurgicaux (les « FFP2 » étaient réservés aux examens ORL et aux gestes d’intubation).

À partir de ce moment-là, j’ai accueilli des personnes suspectes en consultations. Une ambiance anxiogène régnait à l’hôpital, et il a fallu beaucoup d’empathie pour rassurer les gens, notamment ceux que nous renvoyions chez eux, car leur état de santé était « non grave », en les prévenant qu’il pouvait y avoir une potentielle aggravation entre le 6e et le 10e jour avec les consignes à suivre. Le stage des internes aux urgences a été prolongé jusqu’au 1er juin pour pouvoir faire face au pic épidémique qui était attendu.
Grâce au bon respect du confinement, de la distanciation sociale et des gestes barrières par l’ensemble de la population, le pic redouté n’a finalement pas eu lieu et nous pouvons en rendre grâce.

« Les gestes d’attention ont été appréciés de toute l’équipe ! »

Une grande solidarité a régné au sein des équipes soignantes. Ainsi, lorsque je suis moi-même tombée malade au début du confinement (photo), mes collègues internes se sont relayés pour me remplacer aux urgences.

Par ailleurs, des restaurateurs (notamment le restaurant l’Atlantide de la butte Sainte-Anne) et des commerçants nous ont régulièrement livré aux urgences des plateaux-repas et toutes sortes de bonnes choses pour nous encourager. Une ambulancière, par exemple, nous préparait des gâteaux chaque dimanche, et cela sur son temps personnel ! Ces gestes d’attention ont été appréciés de toute l’équipe !

Notre société occulte la mort et cela génère beaucoup d’angoisse. Lorsque j’ai annoncé à une collègue interne que j’étais malade et que je devais rester à la maison, j’ai eu l’impression de percevoir dans son regard comme une lueur de peur. Après mon retour aux urgences, je l’ai croisée et elle m’a dit qu’elle était athée et que pour elle, il n’y a plus rien après la mort. Nous avons eu alors un court dialogue dans les vestiaires. Je lui ai dit que le fait de croire m’aidait beaucoup, mais peut-être sans prendre suffisamment le temps de creuser plus longuement avec elle. Ce bref échange a renforcé ma conviction qu’il faut être une église missionnaire ; il y a urgence à communiquer l’espérance chrétienne.

Propos recueillis par Blandine Dahéron